Rapports

2011 : Publier plus, pour gagner plus ?

Une année de bandes dessinées sur le territoire francophone européen

par Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD

Comme pour prouver, une fois de plus, l’incroyable foisonnement créatif du secteur, la production d’albums de bande dessinée augmente encore… Pour la 16e année consécutive. Pourtant, avec les effets de la nouvelle crise financière mondiale, les conditions économiques ne sont guère favorables pour ce média qui manque, depuis trois ans, de locomotives exceptionnelles. D’où un climat général de vigilance, mêlant réflexions, prudence, mise en avant des valeurs sûres et inquiétude !

  1. Production – La multiplicité des genres et de l’offre de bande dessinée provoque une nouvelle progression :  5 327 livres de bande dessinée ont été publiés en 2011 – soit +3,04% d’augmentation, au lieu de 5,85% et 5 165 titres en 2010 –, dont 3 841 strictes nouveautés.
  2. Édition – Désormais, 4 groupes dominent l’activité de ce secteur, assurant, à eux seuls, 43,6% de la production, alors que 310 éditeurs ont publié des bandes dessinées en 2011.
  3. Évaluation – Dans un marché moins réactif et économiquement difficile, 99 séries ou rares œuvres indépendantes (pour 102 en 2010) ont bénéficié de mises en place appréciables, se plaçant, très souvent, parmi les meilleures ventes de livres, tous genres confondus.
  4. Traduction – Il y a un peu moins de bandes dessinées traduites (2 043 nouveaux ouvrages, dont 1 494 viennent d’Asie et 364 des États-Unis), mais de nouveaux territoires sont explorés…
  5. Réédition – Le secteur patrimonial est en pleine expansion, avec 1 058 nouvelles éditions, compilations ou intégrales (contre 980 en 2010), 224 œuvres datant de plus de vingt ans proposées enfin en album et 31 séries francophones reprises par de nouveaux créateurs.
  6. Création – Sur le territoire francophone européen, seuls 1 487 auteurs réussissent à vivre, souvent difficilement, de la création de bande dessinée. Pourtant, ils ont été 1 749 à publier au moins un album en 2011.
  7. Diffusion – Alors que la filière du livre est en pleine mutation, 12 principaux diffuseurs ou distributeurs permettent toujours la mise en place efficace des albums de bande dessinée en librairies.
  8. Manifestation – Les événements autour de la bande dessinée n’ont jamais été aussi nombreux (455 en 2011) et valorisent, par leurs lieux, spectacles ou expositions, l’image du 9e art.
  9. Prépublication – La bande dessinée est toujours bien exposée dans les kiosques, ne serait-ce qu’avec ses 76 revues spécialisées et 15 séries de fascicules proposant un bonus (figurines, DVD, albums, jeux…).
  10. Mutation ? – La bande dessinée impose, plus que jamais, ses valeurs sûres aux autres médias. Mais la rentabilité de sa mutation vers les nouvelles technologies n’est pas encore à l’ordre du jour…Bilan téléchargeable avec annexesCrédits et remerciements
N.B. : la moindre utilisation de ces données ou d’une partie d’entre elles doit être obligatoirement suivie de la mention : © Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée).
I – PRODUCTION La multiplicité des genres et de l’offre de bande dessinée provoque une nouvelle progression : 5 327 livres de bande dessinée ont été publiés en 2011 – soit +3,04% d’augmentation, au lieu de 5,85% et 5 165 titres en 2010 –, dont 3 841 strictes nouveautés.

La production d’albums de bande dessinée est, une nouvelle fois, en progression, pour la 16e année consécutive : 5 327 livres appartenant au monde du 9e art ont été diffusés dans les librairies francophones ou via Internet en 2011 (5 165 en 2010). Soit 162 titres de plus (+3,04%) qu’en 2010, où il y en avait eu 302 de plus (soit +5,85%). Le tout ne représente, pourtant, que 8,32% de la production éditoriale globale sur le marché français (contre 7,91% l’an passé). En effet, environ 64 000 nouveautés et nouvelles éditions ont été publiées en 2011, et d’autres domaines sont bien plus productifs : les sciences sociales, la littérature romanesque ou le livre de jeunesse (respectivement environ 17%, 14 % et 14 % de la production éditoriale ; source : Livres Hebdo/Electre).

Parmi ces 5 327 ouvrages, il faut aussi discerner les catégories suivantes :
– les rééditions (et éditions revues ou augmentées), avec 1 058 titres sous une nouvelle présentation, c’est-à-dire 19,86% des bandes dessinées de l’année, contre 980 et 18,97% en 2010, soit une progression de 78 titres.
– les artbooks, avec 339 recueils d’illustrations réalisées par des auteurs de bandes dessinées (6,36% des parutions bandes dessinées de 2011), alors qu’il y en avait eu 297 en 2010, ce qui représentait alors 5,75%.
– les essais, avec 89 ouvrages sur le 9e art (1,67% des parutions), soit 12 opus de plus qu’en 2010 où il y en avait 77, soit 1,49%.
– et les strictes nouveautés, qui ne sont, en fait, qu’au nombre de 3 841 en 2011 (72,11% du total des livres de bande dessinée), pour 3 811 et 73,79% en 2010, soit seulement 30 albums en plus.

Cependant, 221 de ces 3 841 titres sont des reprises datant de plus de vingt ans qui n’avaient jamais été compilées sous forme de livres auparavant (soit 5,75% des nouveautés, contre 178 et 4,67% en 2010). Si l’on déduit ces 221 titres déjà amortis avec le temps et les 2 043 nouvelles traductions d’œuvres parues dans l’année et achetées à l’étranger, on s’aperçoit que seulement 1 577 véritables créations de bandes dessinées ont vu le jour en Europe francophone, pendant l’année 2011, soit 29,6% de la production globale d’albums. C’est-à-dire 38 de plus qu’en 2010 où il y en avait eu 1 539 (29,79%).

Par ailleurs, ces 3 841 nouveaux albums concernent toujours les 4 mêmes principaux lectorats du 9e art :
– les séries « asiatiques » dont la production se stabilise : 1 520 nouveaux mangas, manhwas, manhuas et assimilés étant parus en 2011, soit 39,57% des nouveautés, contre 1 522 et 39,94%, en 2010.
– les bandes dessinées américaines : 303 comics sont parus en 2011, ce qui représente 7,89% (contre 297 et 7,79%, en 2010), soit une petite augmentation de 6 titres.
– les romans graphiques et autres livres expérimentaux, dont le nombre diminue légèrement : 386 albums atypiques sont parus en 2011, soit 10,05%, contre 393 et 10,31%, en 2010.
– les BD franco-belges : 1 632 titres sont parus en 2011, soit 42,49%, contre 1 599 et 41,96% en 2010.

Évidemment, il en résulte des catalogues d’éditeurs de plus en plus riches et segmentés : ainsi, les lectorats potentiels sont censés se multiplier. On ne peut d’ailleurs que constater la poursuite du métissage des talents et des expérimentations entre les auteurs européens, américains et asiatiques : il est donc de plus en plus difficile de mettre tel ou tel album dans telle ou telle catégorie. À l’inverse, 1 319 nouveaux albums hors mangas et comics continuent de s’inscrire dans des séries (contre 1 303 en 2010), soit 65,36% des nouvelles créations ou traductions (65,41% en 2010).

Cette stabilité des pratiques permet alors de constater l’importante hausse des séries historiques avec 404 titres – soit 24,75% du secteur (contre 340 et 21,26% en 2010) –, au détriment de tous les autres genres :
recueils humoristiques : avec 494 albums (soit 30,27% du secteur), contre 514 et 32,14% l’an passé ;
albums fantastiques ou de science-fiction : 274 albums (16,79%) contre 279 et 17,45% ;
thrillers et autres polars : 239 albums (14,64%), contre 241 et 15,07% ;
ouvrages pour les petits : 182 albums (11,15%), contre 185 et 11,57% ;
– et bandes dessinées érotiques : 39 albums (2,39%), contre 40 et 2,51%.

Remarquons aussi que la croissance du nombre de parutions est toujours le fait des plus puissants éditeurs ! En 2011, ces derniers ont publié 2 766 nouveautés – soit 72,01% du secteur –, contre 2 750 et 72,16% en 2010. Quant aux structures de moindre importance, elles totalisent 1 075 nouvelles parutions – soit 27,99% du secteur –, contre 1 061 et 27,84% l’an passé. Notons que certaines de ces éditions sont de plus en plus diffusées uniquement via Internet ou dans des lieux de vente très spécifiques ; ainsi, 235 titres (contre 195 en 2010 et 130 en 2009) n’embouteillent donc pas systématiquement les rayonnages des librairies spécialisées.

Alors que cette augmentation de la production ne va pas systématiquement de pair avec celle de la clientèle, il est de plus en plus évident que ces espaces de vente sont véritablement confrontés à un problème de trésorerie, de surface et de disponibilité. Particulièrement en fin d’année, période où les éditeurs font le plus gros de leur chiffre d’affaires (avec 64 des 137 principaux « blockbusters » produits en 2011, contre 62 sur 102 l’année passée) et où 1 938 albums – soit 36,38% de la production annuelle – ont été mis en place entre septembre et décembre. Pourtant, il y en avait déjà eu 1 974 (soit 38,22%) en 2010.


II – ÉDITION

Désormais, 4 groupes dominent l’activité de ce secteur, assurant, à eux seuls, 43,6% de la production, alors que 310 éditeurs ont publié des bandes dessinées en 2011.

Le principal événement éditorial de 2011 est l’acquisition d’une part majoritaire des éditions Soleil par Guy Delcourt (lequel devient, en termes de chiffre d’affaires, le 2e plus important groupe éditorial et le 1er indépendant du secteur). Il n’y a donc plus que 4 groupes qui concentrent 43,6% des activités, alors que l’on a recensé 310 éditeurs différents ayant publié des albums de bande dessinée en 2011, soit 11 de plus qu’en 2010, où l’on en comptait 299.

Suite à son acquisition récente, Delcourt redevient aussi le plus gros producteur d’albums du moment avec 840 titres (soit 15,77% de la production de l’année). La maison mère, qui fête ses 25 ans et dont le catalogue est toujours l’un des plus diversifiés de l’Hexagone, a publié 476 opus – soit 8,94% (en comptant ses départements mangas, via Akata et Tonkam) : un peu moins que l’an passé où l’on en dénombrait 521 (soit 10,09%). Ses désormais filiales Soleil, Soleil Manga et Quadrants ont, quant à elles, stabilisé leur production en totalisant 364 albums – soit 6,83% (contre 374 et 7,24% en 2010).

Le groupe Média-Participations est toujours le plus important sur le plan économique (voir les données 2010 d’Ipsos et Livres Hebdo mises en annexes), mais il n’est plus qu’en 2e position en ce qui concerne la production, alors que leurs chiffres sont encore en augmentation : 775 titres ont été publiés sous ses filiales Dargaud, Dargaud Benelux, Kana, Le Lombard, Dupuis, Blake et Mortimer, Lucky Comics, Fleurus/Édifa, Mediatoon Publishing, éditions du BDouin et Huginn & Muninn – soit 14,55% de la production (contre 675 et 13,07% l’année passée). Ceci en attendant de développer, en 2012, un nouveau département comics (Urban Comics, en partenariat avec le groupe américain DC Comics) et un label communautaire basé sur le financement participatif culturel (MMC BD, en association avec My Major Company).

Bien que s’étant séparé de sa branche espagnole, le 3e éditeur du secteur, tant sur le plan économique que de la production, est le groupe Glénat, avec 469 titres – soit 8,8% (contre 430 et 8,33% en 2010) – publiés sous son propre label ou sous ses filiales Disney, Drugstore, Mangas, Treize Étrange ou Vents d’Ouest.

Le groupe Flammarion (filiale du groupe de communication italien RCS) conforte sa 4e place en termes de chiffre d’affaires, tandis que, rares exceptions à la règle dominante, ses labels Casterman, KSTR, AUDIE/Fluide glacial, Jungle et J’ai lu continuent de diminuer leur production bande dessinée avec 226 titres en 2011 – soit 4,24% (contre 254 et 4,92% l’année passée).

Bien loin derrière ces 4 leaders, les filiales bande dessinée d’Hachette Livre s’affirment, quand même, comme des outsiders solides, ne serait-ce que par la position privilégiée de ce groupe qui est le plus important de l’édition française, tous genres de livres confondus. En 2011, Hachette Livre a proposé 185 titres – soit 3,47% de la production –, contre 214 et 4,14% en 2010, par l’intermédiaire d’Albert-René (Hachette Livre détient désormais l’ensemble des droits éditoriaux, audiovisuels et merchandising liés à Astérix), Pika, Marabout, L.G.F et Lambert.

Suivent 11 groupes au poids économique non négligeable : Panini avec 265 mangas et comics – soit 4,97% (283 et 5,48% en 2010), Kazé Manga avec 188 mangas – soit 3,53% (185 et 3,58% en 2010) –, Bamboo avec 135 titres – soit 2,53% (contre 146 et 2,83% en 2010) –, le groupe Éditis et surtout sa filiale manga Kurokawa, mais aussi Belfond, First, Fleuve noir, Hors Collection, Robert Laffont et Pocket, avec 101 titres – soit 1,9% (90 et 1,74% en 2010) –, Clair de Lune avec 98 titres – soit 1,84% (97 et 1,88% en 2010)–, Ki-oon avec 88 mangas – soit 1,65% (77 et 1,49% en 2010) –, Taïfu avec 85 mangas – soit 1,59% (76 et 1,47% en 2010) –, Ankama avec 83 albums – soit 1,56% (52 et 1% en 2010) –, le groupe Gallimard et ses filiales Denoël, Folio et Futuropolis avec 77 ouvrages – soit 1,45% (85 et 1,64% en 2010) –, Les Humanoïdes associés avec 72 livres – soit 1,35% (39 et 0,75% en 2010) – et 12 bis avec 65 titres – soit 1,22% (57 et 1,1% en 2010).

Cette concentration accrue laisse peu de place aux autres éditeurs. À eux tous, ils ont publié 1 675 titres en 2011 – soit 31,44% (1 564 et 30,28% en 2010). Qu’ils soient éditeurs jeunesse (Bang, Bayard/Milan, Calligram, Dragon d’Or, L’École des Loisirs, Gargantua, Gouttière, Jarjille, La Joie de Lire, Lito, Magnier, Max Milo, Sarbacane…), opérateurs littéraires (Actes Sud BD/L’An 2, Les Arènes, City, De Borée, Les Échappés, Gawsewitch, L’Harmattan, M. Lafon, La Martinière/Fetjaine, O. Jacob, Seuil…), entreprises moyennes au catalogue classique (Ange, Assor BD, Bac@bd, Carabas, Coccinelle, Daric, Les Deux Royaumes, EP Emmanuel Proust Éditions, La Fourmilière, P. Galodé, Grafouniages, Grrr…, Hugo BD/Desinge, Idées +, Joker, JYB, Kantik, Mad Fabrik, Maghen, Makaka, Marsu, Misma, Mosquito, Nickel, Orphie, Paquet, P’tit Louis, Sandawe, Signe, Le Stylo Bulle, Tartamudo, Vagabondages, Verger, Zéphyr…) ou « petite édition » alternative (d’après l’anglais « small press »), à l’instar d’Altercomics, L’Association, Atrabile, BDMusic, Beaulet, La Boîte à Bulles, çà et là, La Cafetière, Cambourakis, Canard, La 5ème Couche, Cornélius, Des Ronds dans l’O, 2024, Diantre !, Drozophile, Dynamite, Ego comme X, Eidola, L’Employé du Moi, Les Enfants rouges, Flblb, FRMK, Le Goûteur chauve, Hoochie Coochie, Les Impressions nouvelles, ION, Manolosanctis, Même pas mal, Le Moule-à-gaufres, Onapratut, PLG, Poivre & Sel, Rackham, Les Requins Marteaux, Les Rêveurs, R. Rils, Scutella, 6 Pieds sous Terre, Stara, Steinkis, Tabou, Tanibis, Vertige Graphic, Virtual Graphics, Warum, Zanpano… Ces dernières subissent de plein fouet les effets de la crise aggravés par nombre de problèmes internes, et n’ont produit que 278 nouveautés – soit 7,24% (301 et 7,9% en 2010).


III – ÉVALUATION

Dans un marché moins réactif et économiquement difficile, 99 séries ou rares œuvres indépendantes (pour 102 en 2010) ont bénéficié de mises en place appréciables, se plaçant, très souvent, parmi les meilleures ventes de livres, tous genres confondus.

Le contexte général s’étant durci depuis la crise financière de 2008, l’économie de la bande dessinée, comme celle du livre en général, se contracte et ne suit plus la courbe ascendante de la production. Cependant, ses ventes semblent évoluer, globalement, un peu plus favorablement que la moyenne de l’ensemble des ventes des autres domaines. D’après Livres Hebdo/I+C, les chiffres des neuf premiers mois de l’année donnent, pour la bande dessinée, un tassement à 0% en euros courants (mais de l’ordre de -2% en volume, en tenant compte de l’inflation), alors que l’ensemble du marché du livre régresse de -1% en euros courants (-3% en volume, avec l’inflation). Il faudra, bien entendu, attendre le début 2012 pour affiner ce bilan économique de 2011, d’autant plus que le dernier trimestre est toujours déterminant pour l’activité du secteur !

Quoi qu’il en soit, le marché tourne essentiellement autour de quelques séries (souvent développées sur plusieurs médias) ou d’auteurs bien installés, comme dans toutes les autres industries culturelles : en 2011, 99 valeurs sûres ont été tirées à plus de 50 000 ex. (contre 102 l’an passé) et réalisent l’essentiel du chiffre sur ce secteur. 82 d’entre elles appartiennent au domaine franco-belge et bénéficient toujours d’importantes campagnes de communication ou d’exploitation dérivées, lesquelles contribuent à l’encore bonne tenue de cette économie de marché. Dans la plupart des cas, le fonds constitué par ces séries représente environ 60% du chiffre d’affaires des principaux éditeurs.

Par ailleurs, les chiffres de tirage communiqués par ces derniers permettent de lister les principales « locomotives » de 2011 :
XIII d’Yves Sente et Iouri Jigounov, d’après Jean Van Hamme et William Vance (500 000 ex.).
Kid Paddle de Midam (360 000).
Boule et Bill de Laurent Verron, d’après Jean Roba (253 000).
Thorgal d’Yves Sente et Grzegorz Rosinski, d’après Jean Van Hamme et Grzegorz Rosinski (220 000).
Les Aventures de Kid Lucky d’Achdé, d’après Morris (220 000).
XIII Mystery d’Alcante et François Boucq (200 000).
Cédric de Raoul Cauvin et Laudec (170 000).
Les Légendaires de Patrick Sobral (170 000).
Lanfeust Odyssey de Christophe Arleston et Didier Tarquin (160 000).
Les Nombrils de Maryse Dubuc et Delaf (160 000).

Viennent ensuite Julia & Roem d’Enki Bilal (150 000), Les Tuniques bleues de Raoul Cauvin et Willy Lambil (148 000), Les Mondes de Thorgal de Yann et Roman Surzhenko (140 000), Les Schtroumpfs d’Alain Jost, Thierry Culliford et Pascal Garray (130 000), Les Profs d’Erroc et Pica (120 000), Spirou et Fantasio de Fabien Vehlmann et Yoann (116 000), Antarès [Les Mondes d’Aldebaran] de Leo (110 000), Trolls de Troy de Christophe Arleston et Jean-Louis Mourier ou L’Univers des Schtroumpfs du studio Peyo Créations (105 000)… Des chiffres de tirage qui sont, cependant, généralement en baisse. D’autant que 2011 se révèle être encore une année sans « produits d’appel » exceptionnels, à l’instar d’un nouvel Astérix ou d’un nouveau Titeuf ; et que même certaines autres séries bien établies, comme Blake et Mortimer, Largo Winch, Joe Bar Team, Lucky Luke, Le Petit Spirou ou Le Chat, manquent aussi à l’appel.

Cette diminution des tirages s’explique, en partie, par le fait que les éditeurs ajustent au mieux leurs coûts, préférant réimprimer plutôt que subir les conséquences des taux de retour ou des frais relatifs au stockage : les prix demandés par les imprimeurs sont très compétitifs, alors que la distribution et le stockage coûtent de plus en plus cher. Évidemment, il en découle que le tirage moyen baisse une fois de plus, ceci alors que l’écart continue de se creuser entre les « best-sellers » (tirés à au moins 20 000 ex.) et les autres tirages.

Du côté des comics, il faut encore saluer la performance de l’adaptation, par une équipe très diversifiée, des Simpson, le célèbre feuilleton animé télévisé de Matt Groening. Les 4 opus de la série mère, les 2 de Bart Simpson, celui de Bartman et les 3 hors série parus dans l’année ont été tirés entre 60 000 et 150 000 ex. chacun, ce qui représente un tirage total de 1 080 000 ex., soit le plus important de l’année ! Les autres bandes américaines dont les tirages méritent d’être signalés sont les zombies de Walking Dead par Charlie Adlard et Robert Kirkman (qui ont inspiré une série télévisée et dont le tirage oscille entre 55 000 et 85 000 ex.) et les strips du gros chat Garfield de Jim Davis (2 recueils tirés à 58 000 et à 61 000 exemplaires, auxquels il faut rajouter 4 titres inspirés par le dessin animé Garfield & Cie, tirés entre 24 000 et 25 000 ex.).

En ce qui concerne les mangas, il n’y a toujours que 10 séries (publiées chez 5 éditeurs) qui assurent 50% des ventes dans leur globalité : Naruto en tête, avec son tirage de 250 000 ex. pour chacun des 3 nouveaux tomes publiés en 2011. Il est suivi par les habituelles vedettes de la bande dessinée japonaise que sont One Piece (7 tomes entre 60 000 et 100 000 ex.), Fairy Tail (6 entre 80 000 et 100 000), Black Butler (3 à 72 000), Fullmetal Alchemist (3 à 71 000), Judge (seule véritable nouveauté avec 3 titres tirés entre 50 000 et 60 000), Bakuman (4 à 55 000), Pluto (3 à 55 000), Bleach (6 à 50 000) et Gunnm Last Order (3 à 50000). Sans oublier le fonds Dragon Ball qui se vend toujours très bien et le manga français DOFUS (2 titres autour de 40 000 ex.). Ce segment semble plutôt mature mais a bien du mal à se trouver de nouveaux leaders, compte tenu du fait que toutes les grosses licences sont déjà disponibles dans nos contrées.


IV – TRADUCTION

Il y a un peu moins de bandes dessinées traduites (2 043 nouveaux ouvrages, dont 1 494 viennent d’Asie et 364 des États-Unis), mais de nouveaux territoires sont explorés…

Pour un éditeur, les achats de droits sur des œuvres étrangères sont souvent plus rentables que dispenser des avances de droits d’auteur en vue d’une création originale. Pourtant, en 2011, seulement 2 043 ouvrages de bande dessinée ont été traduits – soit 53,19% des nouveautés (contre 2 094 et 54,95% en 2010) – et ne proviennent que de 26 pays différents (28 en 2010).

Le continent asiatique fournit toujours le nombre le plus important de titres, puisqu’il y a encore eu 1 494 albums d’origine asiatique parus en 2011 – soit 38,9% de la production des nouveautés du secteur (contre 1 477 et 38,76% l’année passée). Cela correspond à 499 séries différentes traduites du japonais, du coréen ou du chinois (496 en 2010) publiées chez 35 éditeurs différents (39 en 2010). Cependant, le public amateur des manhwas coréens (85 en 2011, pour 106 en 2010), des manhuas chinois (15 en 2011, pour 14 en 2010) et des créations de mangas européens (31, contre 46 l’an passé) a tendance à s’effriter. Toutefois, comme le marché francophone est l’un des plus ouverts dans le domaine qui nous intéresse, les éditeurs n’ont de cesse d’explorer de nouveaux territoires : 5 titres viennent de Singapour, 2 de Taïwan, et c’est un ouvrage philippin (Elmer de Gerry Alanguilan chez çà et là) qui a reçu le Prix Asie-ACBD 2011 décerné pendant Japan Expo.

En revanche, ce lectorat, souvent plus jeune et plus féminin que celui des albums franco-belges, reste fidèle aux mangas, appréciant toujours leur moindre coût et leur contenu, ainsi que la succession des tomes dans de courts délais, même si ce rythme est de plus en plus tributaire de la parution japonaise. En 2011, 1 387 mangas ont été traduits en français – soit 36,11% des nouveautés (contre 1 355 et 35,55% l’an passé) –, et semblent peiner un peu moins pour s’imposer sur un marché stabilisé et dominé par seulement 10 séries et 14 labels.

Glénat Mangas, éditeur de 129 nouveaux titres traduits en 2011, a repris la tête de ce segment particulièrement porteur pendant la dernière décennie (voir les données 2010 d’Ipsos et Livres Hebdo mises en annexes). Il est suivi de près par les éditions Kana, son principal concurrent, qui a proposé cette année 166 nouveautés (plus 2 sous le label Mediatoon Publishing). Ensuite, le secteur est détenu, dans une moindre mesure, par Delcourt (82 nouveaux titres traduits via Akata, 138 par sa filiale Tonkam et 107 par Soleil Manga), Kazé Manga/Asuka (181 nouveautés), Pika (153), Ki-oon (qui, avec ses 86 nouveaux opus, a encore progressé en chiffre d’affaires et reste le 1er éditeur indépendant de mangas en France), Taïfu (84 nouveautés), Kurokawa (79), Panini Manga (65), Bamboo avec Doki-Doki (46), Casterman avec Sakka (26) et Ankama (23 nouveautés sous son nouveau label Kuri). Si les productions des autres éditeurs (Athenagram, BFL, Cornélius, 12 bis, ED, Flblb, H, Imho, Le Lézard noir, Matière, Sarbacane, Vertige Graphic…) restent anecdotiques en ce domaine, il ne faut pas oublier celles de Booken Mangas, Clair de Lune, Paquet ou Samji pour la bande dessinée coréenne, de Fei, Xiao Pan ou You-Feng pour la chinoise et des éditions de l’Emmanuel pour Singapour.

Les bandes dessinées américaines sont l’autre segment important des nouvelles traductions proposées sur le territoire francophone européen avec 364 titres publiés en 2011, soit 9,48% (contre 359 et 9,42% en 2010). La plus importante production de ce domaine sont les comics mettant en scène super-héros et consorts (303 titres), et le groupe Panini France en est le leader incontesté avec 153 recueils (plus 8 sous sa filiale Fusion Comics). S’il garde l’exclusivité des productions Marvel (X-Men, Spider-Man, Fantastic Four...), DC Comics (Batman, Superman, Green Lantern…) va confier à Dargaud l’exploitation francophone de ses titres, d’où la création, à partir de 2012, du département Urban Comics. Ainsi, la concurrence s’active et chacun y va de son label spécialisé : d’où la création d’Atlantic (5 nouveautés en 2011) et l’annonce de celle de Glénat Comics. Tous ces importants nouveaux venus réussiront-ils à s’imposer dans ce marché très concurrentiel et déjà bien embouteillé ? Ne serait-ce que par les nouvelles productions des autres acteurs du secteur que sont Delcourt (49 albums chez la maison mère et 13 comics chez Soleil US), Milady Graphics (20 comics), EP Emmanuel Proust Éditions (13), Akiléos (12), Jungle (leader du marché des licences pour la bande dessinée avec 11 BD américaines), Lombard (7), Organic Comix (2 comics francophones), Dante, Kymera, Semic…

Les traductions italiennes (particulièrement les bandes dessinées populaires en noir et blanc) constituent le troisième pôle non négligeable de ce secteur avec 83 titres en 2011 – soit 2,16% des nouveautés –, pour 77 et 2,02% l’an passé. Malgré les efforts des éditions Clair de Lune (26 nouvelles traductions italiennes en 2011), ou encore de Mosquito et de l’autochtone Pavesio, lesquelles espèrent toujours imposer cette forme de culture, leur succès reste très limité auprès du lectorat francophone.

Concernant les autres pays, l’Espagne (34 nouveautés contre 28 en 2010), la Grande-Bretagne (19 contre 15), l’Allemagne (14 contre 6), les Pays-Bas (12 contre 25), l’Argentine (4 contre 9), l’Afrique du Sud, le Mexique, le Canada anglophone, la Suède, le Congo, la Finlande, l’Iran, Israël, le Liban, la Norvège, la Slovaquie, la République tchèque ou l’Ukraine ont aussi fourni du matériel traduit en français.

Enfin, si le succès mondial des romans graphiques (de l’anglais « graphic novels ») profite au marché du 9e art et permet une forte activité de la bande dessinée francophone à l’export, de plus en plus d’auteurs étrangers travaillent directement pour les marchés français ou belges : 63 Italiens en 2011 (contre 40 en 2010), 18 résidents des pays de l’Est (23 en 2010), 8 Espagnols (21 en 2010), 7 Chinois (3 en 2010), 5 Argentins (2 en 2010), 3 Japonais…


V – RÉÉDITION

Le secteur patrimonial est en pleine expansion : avec 1 058 nouvelles éditions, compilations ou intégrales (contre 980 en 2010), 221 œuvres datant de plus de vingt ans proposées enfin en album et 31 séries francophones reprises par de nouveaux créateurs.

Vu la production et l’état du marché, pour que certains ouvrages soient toujours présents en librairies, il est aujourd’hui indispensable de passer par les cases rééditions, compilations ou intégrales ; ceci d’autant plus facilement que ces livres, rhabillés ainsi en nouveautés, sont très souvent sources de marges, puisque déjà amortis. Ainsi, en 2011, il y a eu 1 058 reprises d’albums (980 en 2010), dont 333 intégrales, 154 tirages de luxe et 30 compilations (contre 321, 168 et 23, l’an passé). Certaines nouvelles éditions atteignent même des tirages impressionnants : 180 000 ex. pour le diptyque des Aventures de Tintin (Le Secret de la Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge chez Casterman), 80 000 ex. pour la compilation des gags de Gaston Lagaffe chez Marsu (et 65 000 pour celle chez Dupuis), 60 000 pour la compilation de Tom-Tom et Nana chez Bayard, 40 000 pour celle de Boule et Bill chez Dupuis (et 36 000 et 31 000 pour les 2 publiées chez Dargaud), 35 000 pour celle de L’Élève Ducobu au Lombard et pour celle des Profs chez Bamboo…

Cette forte tendance se double souvent d’une démarche patrimoniale de plus en plus développée. Certains, à l’instar des éditions Dupuis (qui se sont imposées comme la référence en la matière), mettent un point d’honneur à revaloriser au mieux leur catalogue, accompagnant les nouvelles éditions d’œuvres peu connues d’un dossier documenté qui les replace dans leur contexte. On retrouve cette tendance, même si elle reste encore largement minoritaire dans la production, chez les éditeurs traducteurs de séries asiatiques, américaines ou italiennes, puisque l’on dénombre aussi 126 rééditions de mangas (116 en 2010), 65 de comics (66 en 2010), 31 de fumetti d’Italie (29 en 2010), 9 d’historietas d’Argentine, 7 de manhwas (22 en 2010)…

Signalons, également, que 221 titres datant de plus de vingt ans (soit 5,75% des nouveautés, contre 178 et 4,67% en 2010) ont été édités en album pour la première fois. Ce regain d’intérêt pour le patrimoine est surtout l’apanage de « petites » structures (se diffusant souvent par leurs propres moyens), comme Aarsinoe, L’Âge d’Or, Les Amis de Jacobs, Les Amis de Le Rallic, Ananké, ANAF, Association des Amis de René Giffey, Bague à tel, BDartist(e), BD Must, Bleu et Noir, Club des Amis de Trubert, Le Coffre à BD, Le Cousin Francis, De Varly, L’Élan, Hibou, Hollywood Comics, Images innées, Noir Dessin, Pan Pan, Regards, Sangam, Taupinambour, Triomphe, Univers Comics ou La Vache qui médite. Grâce à la passion et à la nostalgie de leurs responsables, elles réalisent un travail de transmission en publiant, à un nombre réduit d’exemplaires, des récits qui, sans eux, seraient tombés dans l’oubli. D’autant plus que les auteurs et les œuvres qu’ils mettent en avant sont rarement signalés dans les 84 essais sur le 9e art de 2011 (77 en 2010), dont 52 monographies et 15 guides pratiques, et que rares sont les sites mettant en valeur cette facette historique, à l’instar de bdoubliees.com, coconino-world.com, la rubrique « Le Coin du patrimoine » sur bdzoom.com, collections.citebd.org, lectraymond.forumactif.com, pimpf.org, conchita.over-blog.net

D’ailleurs, ces derniers n’ont pas hésité à entretenir la mémoire des 14 personnalités francophones du secteur disparues en 2011 :
Yves-Marie Labé : journaliste au Monde et l’un des membres les plus actifs de l’ACBD depuis sa création.
Félix Molinari : dessinateur aux éditions Impéria (Garry, Super Boy et Les Tigres volants) et chez Soleil.
José Dutillieu : ancien responsable de Belvision et directeur du concept chez Dupuis.
Dany Evrard : critique et historien de la bande dessinée belge.
Paul Gillon : maître de la BD réaliste française et dessinateur entre autres des Naufragés du Temps.
Francine Graton : scénariste des Labourdet et épouse du dessinateur de Michel Vaillant.
Thierry Martens : ancien rédacteur en chef du journal Spirou et mémoire des éditions Dupuis.
Alain Voss : dessinateur d’origine brésilienne ayant activement participé à Métal hurlant.
Francis Keller : dessinateur d’« alsatiques » (bandes dessinées historiques alsaciennes).
Jean Tabary : le dessinateur d’Iznogoud, mais aussi de Totoche, Valentin, Corinne et Jeannot
Daniel Hulet : dessinateur de Pharaon, Les Chemins de la gloire, L’État morbide ou Extra-Muros.
Jean-Paul Mougin : rédacteur en chef d’(À Suivre) et éditeur chez Casterman.
Gilles Chaillet : créateur de Vasco et l’un des plus célèbres dessinateurs de Lefranc.
Albert Weinberg : créateur de Dan Cooper et pilier du journal Tintin.

Heureusement, les héros, eux, sont éternels. En cette année des 70 ans de Sylvain et Sylvette, des 30 ans des Femmes en blanc et de Percevan, ou des 20 ans de Litteul Kévin (séries qui se poursuivent toujours), force est de constater la continuation de nombreux titres à succès, au-delà de l’abandon ou de la disparition de leur créateur. Outre l’annonce d’une nouvelle équipe travaillant sur un prochain Astérix, 31 séries, souvent transformées en « licences », ont été reprises en main en 2011 : sous leur forme originale (Alix, Lefranc, Jhen, Orion, XIII, Boule et Bill, Sylvain et Sylvette, La Ribambelle, Spirou et Fantasio, Les Schtroumpfs, Cubitus, Rantanplan, Aquablue, Les Pieds nickelés, Le Marsupilami, Marion Duval...) ou sous celle de spin-off destinés éventuellement à un autre lectorat (Philip et Francis, XIII Mystery, Valérian par…, Les Mondes de Thorgal, Bidule, I.R.$ All Watcher, L’Univers des Schtroumpfs, Neige Fondation, Kid Lucky, Gastoon, Marsu Kids, Gnomes de Troy, Légendes de Troy, Cixi de Troy, Les Conquérants de Troy...). Un retour aux valeurs sûres confirmé par l’adaptation de 189 classiques de la littérature (soit 4,92% des nouveautés, contre 184 et 4,83% en 2010) !


VI – CRÉATION

Sur le territoire francophone européen, seuls 1 487 auteurs réussissent à vivre, souvent difficilement, de la création de bande dessinée. Pourtant, ils ont été 1 749 à publier au moins un album en 2011.

Cette course aux licences ou aux achats de droits est un sujet d’inquiétude de plus pour les 1 749 créateurs européens de bandes dessinées francophones qui ont publié au moins un album en 2011 (ils étaient 1 689 en 2010) ; alors qu’ils ne sont que 1 487 à tenter de vivre de leur métier (1 446 l’an passé), en ayant au moins 3 albums disponibles au catalogue d’éditeurs bien diffusés et un contrat en cours ou un emploi régulier dans la presse ou l’illustration. Bien que s’accrochant farouchement à leurs droits d’auteur, ils doivent, bien souvent, accepter divers travaux dans d’autres domaines pour survivre ; les places étant de plus en plus rares et mal rétribuées.

À noter que 183 de ces 1 487 auteurs sont des femmes, soit 12,3% (176 et 12,17% en 2010), et que 273 sont scénaristes sans être également dessinateurs, soit 18,36% (272 et 18,81% en 2010). À ce nombre, il faut ajouter 169 coloristes ayant colorisé au moins 2 albums dans l’année (141 en 2010). 86 d’entre eux sont de sexe féminin. Tous, ils continuent à se mobiliser pour valoriser leur métier et obtenir un vrai statut d’auteur.


VII – DIFFUSION

Alors que la filière du livre est en pleine mutation, 12 principaux diffuseurs ou distributeurs permettent toujours la mise en place efficace des albums de bande dessinée en librairies.

Pour que les auteurs puissent vivre correctement de leurs travaux, il faut que leurs œuvres se vendent. Et pour que les lecteurs puissent les acheter, elles doivent être bien mises en place en librairies (même si, d’autre part, les achats sur Internet ne cessent d’augmenter). D’où l’importance des diffuseurs et des distributeurs, lesquels sont de plus en plus indispensables à la valorisation et à l’exposition des livres dans les espaces de vente.

D’ailleurs, la plupart des « gros » éditeurs ont leur propre société de diffusion ou de distribution, que ce soit Média-Participations (avec Média Diffusion/MDS), Flammarion (Union Distribution et Flammarion Diffusion) ou Gallimard (Sodis et Centre de Diffusion de l’Édition/CDE). Si Delcourt possède Delsol et si Glénat a Glénat Diffusion, leur distribution reste confiée à Hachette, n°1 incontestable de cette profession, puisque, rien que pour la bande dessinée, Hachette s’occupe aussi de Pika, de Panini, de Bamboo et de la plupart des éditeurs diffusés par La Diff ou Delsol (dont Kazé/Asuka qui vient de les rejoindre).

La plupart des « petites » structures travaillent, quant à elles, avec des entreprises aux moyens plus limités (Les Belles Lettres, Makassar, Harmonia Mundi…) qui n’ont évidemment pas le même poids. Cela explique, en partie, les changements d’orientation de certains éditeurs, à l’instar de Des ronds dans l’O qui préfère s’assurer les services d’Interforum (société de commercialisation et distribution du groupe Éditis), FRMK et Cornélius ceux du CDE et de la Sodis, Sarbacane de Flammarion Diffusion, IMHO d’Harmonia Mundi (au détriment des Belles Lettres), Warum de Volumen-Loglibris (diffusion-distribution du groupe La Martinière)…


VIII – MANIFESTATION

Les événements autour de la BD n’ont jamais été aussi nombreux (455 en 2011) et valorisent, par leurs lieux, spectacles ou expositions, l’image du 9e art.

Le site opalebd.com, qui recense les moindres festivals, salons ou bourses en France, en Belgique, au Luxembourg et en Suisse, en dénombre 455 pour 2011 (nous en avions retenu 351 l’an passé), avec des formats, durées et orientations très variées. En tête, le Festival international de la bande dessinée à Angoulême ouvre l’année, et ses organisateurs revendiquent une fréquentation en hausse de 3% (218 000 visiteurs) et toujours 1 500 auteurs venus du monde entier. Suivent Japan Expo et Comic Con’ 2011 à Villepinte (192 000 visiteurs), qui essaiment aussi à Bruxelles (Japan Expo Belgium), à Marseille (Japan Expo Sud) et à Orléans (Japan Expo Centre). Ensuite, Les Rencontres du 9e art d’Aix-en-Provence s’affirment comme l’un des rendez-vous les plus courus avec 54 000 visiteurs sur un mois, ce qui les place nettement devant Quai des Bulles de Saint-Malo (32 000 entrées), 2e festival par le nombre d’auteurs invités (350), BD-Fil à Lausanne (28 000 entrées) et bd BOUM à Blois (20 000 entrées gratuites), festival engagé socialement où se réunit l’ACBD.

Notons aussi une cinquantaine de manifestations de réelle envergure comme Amiens, Aubenas, Audincourt, Bastia, Brignais, Buc, Chambéry, Colomiers, Illzach, Lyon, Mantes-la-Jolie, Solliès ou Strasbourg en France, Sierre en Suisse, Contern au Luxembourg et Andenne, Arlon, Bruxelles Ganshoren ou Saint-Gilles en Belgique. À noter encore le Festiblog, festival des blogs BD et du webcomics, qui invite 150 auteurs issus de l’univers numérique. En dehors de 36 bourses aux bandes dessinées, la plupart des festivals traditionnels accueillent des séances de dédicaces gratuites, malgré les plaintes renouvelées d’auteurs au sujet de la marchandisation de leur don par des festivaliers indélicats. Géographiquement, toutes les régions sont couvertes en France, pays qui représente 89% des événements. Un quart des festivals sont payants (en moyenne 3 €). Par ailleurs, leur renouvellement reste important : 23% en sont à leur 1re ou 2e édition. Cependant, la longévité s’allonge dépassant, pour 13 d’entre eux, les 30 ans ; et même les 40 ans pour 2 d’entre eux.

Enfin, la bande dessinée est toujours très bien représentée dans les salons du livre, les principaux restent Paris (180 000 entrées), Nancy (150 000), Brive-la-Gaillarde (100 000), Genève (82 000), Bruxelles (72 000) et Limoges (62 000), sans oublier le Salon du livre et de la presse de jeunesse à Montreuil (155 000 entrées).


IX – PRÉPUBLICATION

La bande dessinée est toujours bien exposée dans les kiosques, ne serait-ce qu’avec ses 76 revues spécialisées et 15 séries de fascicules proposant un bonus (figurines, DVD, albums, jeux…).

Alors qu’aujourd’hui la plupart des éditeurs de magazines prolongent leur lectorat vers le numérique ou sur Internet, d’autres proposent, en kiosques, des revues accompagnées de divers produits alléchants (DVD, jouets ou albums de bande dessinée), essayant ainsi de pallier l’érosion de la clientèle que subit ce secteur de la distribution depuis quelques années déjà. Certains, comme Hachette, Prisma, Cobra ou Atlas, éditent même des séries de fascicules surfant sur l’univers des héros de bandes dessinées (Tintin, Astérix, Blake et Mortimer, Lucky Luke, Michel Vaillant, Buck Danny, Les Tuniques bleues… sans oublier les 60 numéros de Planète BD contenant majoritairement des articles encyclopédiques sur le 9e art), avec figurines ou modèles réduits à l’appui.

Si la bande dessinée tente donc, par ce biais, d’être bien exposée dans les kiosques, elle est pourtant toujours très présente dans les magazines : en 2011, 481 titres y ont été proposés en avant-première (soit 12,55% des nouveautés, contre 396 et 10,39% en 2010), notamment par la filiale Médiatoon du groupe Média-Participations qui se place également en position de leader en ce domaine.

D’autre part, même s’ils souffrent toujours de la concurrence de l’album, il y a encore 76 périodiques diffusés dans le réseau kiosque qui publient majoritairement de la bande dessinée (ils étaient 68 en 2010). Parmi ces revues, il y en a encore 16 (comme en 2010) qui proposent encore des créations de bandes dessinées européennes : Le Journal de Mickey (tirage moyen 185 000 ex.) et les autres revues éditées par Disney Hachette Presse (Super Picsou Géant, 238 000 ; Mickey Parade Géant, 180 000 ; Picsou Magazine, 165 000 ; Witch Mag, 135 000 ; Winnie, 130 000 ; Bambi, 60 000, etc.), Fluide glacial et Fluide.G (avec 120 000 et 90 000 ex. au n°), Spirou (95 000), L’Écho des Savanes (75 000), Tchô ! (40 000), Psikopat (30 000), Lanfeust Mag (20 000), le pocket Captain Swing ! et le petit nouveau L’Immanquable édité par l’équipe des [dBD], qui affiche déjà 35000 ex. de tirage et 2 500 abonnés. À noter que si les tirages semblent baisser sensiblement, cela se passe sans véritable perte de bénéfices, puisque ces magazines basculent, petit à petit, vers l’abonnement, donc moins de présence en kiosques mais plus d’abonnés. Les ventes nettes d’un titre comme Spirou, par exemple, progressent même de 5% depuis 2009.

Il faut aussi souligner, toujours en ce qui concerne ce secteur, le dynamisme des éditions Ankama qui imposent des comics originaux mettant en scène les personnages de leurs jeux vidéo multijoueurs en ligne à succès : Boufbowl (98 000 ex. au n°), Maskemane (96 000), Remington (36 000), Mini-WAKFU Mag (28 000)… Alors que l’on retrouve d’autres créations issues du même univers, en bandes dessinées, dans leurs autres périodiques dédiés aux jeux (DOFUS Mag, IG Mag…) ou au graphisme et à l’art contemporain (HEY!).

Cependant, ce sont toujours les journaux qui publient, principalement, des bandes issues de licences qui sont les plus rentables, et 88,5% d’entre eux appartiennent au groupe Panini France, et encore, sans tenir compte des revues que cette filiale du groupe italien publie et qui ne contiennent que quelques pages de bandes dessinées adaptant des dessins animés ! Pourtant, 14 d’entre elles (comme en 2010) en sont majoritairement composées (à plus de 50% pour Bugs Bunny, Cheval Girl, Scooby-Doo ! et Winx Club, et à un peu moins de 50% pour Beyblade, Poppixies, Littlest Petshop, Monster High, My Little Pony, Pokémon, Power Rangers, Tom & Jerry, Transformers et Xenox) et sont tirées entre 30 000 et 60 000 ex. au n° !

Panini est aussi l’éditeur de 34 des 39 fascicules avec des comics américains de super-héros (il y en avait 36 en 2010) issus des labels américains Marvel (Avengers, Deadpool, Fear Itself, Spider-Man, Wolverine, X-Men…) ou, mais seulement jusqu’à la fin de l’année, DC Comics (Batman, Superman, Brightest Day…), tirés entre 25 000 et 30 000 ex. Les autres comics traduits en kiosques sont édités par Delcourt (Les Chroniques de Spawn avec 16 000 ex., mais dont le dernier n° est paru en juin, et Star Wars La Saga en BD avec 20 000 ex. ou Star Wars The Clone Wars avec 25 000 ex.) et par Organic Comix (Strange, 8 000 ex. au n°).

Quant aux périodiques sur les mangas (Akiba Manga, AnimeLand, Coyote Mag, Daruma-Magazine, Japan Life Style, Made in Japan, Manga Kids, Mega Duel, MK+, Maniak !…), dont les tirages sont souvent équivalents, ils parlent surtout des dessins animés, de la culture et des jeux provenant du Japon.

Enfin, toujours dans le réseau presse, 3 revues continuent de commenter l’actualité du 9e art : Comic Box, édité par Panini et qui traite exclusivement des comics (tirage de 25 000 ex. au n°), et les plus généralistes [dBD] et CaseMate aux tirages déclarés, respectivement, à 22 000 ex. et 30 000 ex. au numéro.

Par ailleurs, 14 magazines publiant des bandes dessinées sont diffusés partiellement en librairies, alors qu’ils n’étaient que 12 l’an passé (Be x Boy Magazine, Bilan provisoire, Bile noire, Cheval de quatre, Clafoutis, Dame Pipi Comix, Dmpp, Dopututto, Drozophile, Jade, Lapin, Special Comix, Turkey Comix, Un Fanzine carré), mais leurs tirages sont anecdotiques. Dans ce même réseau, on peut aussi trouver 7 revues de bédéphilie (contre 5 en 2010) : L’Avis des Bulles, Bananas, Gabriel, Hop !, L’Indispensable, On a marché sur la bulle et Papiers nickelés. D’autre part, il ne faut pas oublier les revues gratuites, organes d’éditeurs avec de nombreuses prépublications (comme Bamboo Mag distribué à 35 000 ex.) ou de librairies spécialisées avec des conseils de lecture, à l’instar du Magazine Album et de Canal BD Magazine tirés à 70 000 ex. et leur Manga Mag à 40 000 ex. Toutefois, le magazine informatif Zoo, qui est aussi donné gratuitement dans les Virgin, Fnac, Leclerc et festivals BD, reste toujours le leader en ce domaine, avec 108 000 ex. diffusés au n° !


X – MUTATION ?

La bande dessinée impose, plus que jamais, ses valeurs sûres aux autres médias. Mais la rentabilité de sa mutation vers les nouvelles technologies n’est pas encore à l’ordre du jour…

Malgré la hausse de la production des ouvrages et des revues sur le 9e art, c‘est surtout sur Internet que les amateurs vont chercher leurs informations, un large choix s’offrant désormais aux internautes. La rubrique la plus populaire est, sans conteste, celle des chroniques d’albums : elle se retrouve sur 90% des sites (car elle répond à une véritable attente du public) et est même, souvent, la seule mise à jour régulièrement. La rencontre avec les auteurs reste un moment privilégié pour ceux qui réalisent des interviews mais est aussi une source d’informations pour les lecteurs. Ce n’est donc pas pour rien que 75% des sites publient des entretiens. En guise d’articles sur l’actualité, peu de sites proposent autre chose que des copier/coller de communiqués de presse. Même si la forme, notamment en termes de longueur, reste souvent inadaptée à la lecture sur écran, seule une poignée de sites produisent de véritables articles rédactionnels : ce travail de recherche demande du temps aux rédacteurs, lesquels sont bénévoles pour 95% d’entre eux. Bien que de nombreux journalistes professionnels soient présents dans les rédactions, seules 10% d’entre elles utilisent du personnel rémunéré. C’est dire à quel point ces équipes, intégrées dans une société ou une association pour 50% d’entre elles, sont formées de passionnés, les sites BD trouvant essentiellement leur financement dans la publicité, les partenariats avec des librairies en ligne ou via leurs fonds propres, ils disposent de moyens financiers très limités. Le principal changement, en 2011, est la présence sur les réseaux sociaux comme facebook et twitter, où près de 90% des sites sont représentés. Ces réseaux contribuent fortement à leur visibilité sur Internet.

On dénombre actuellement 33 sites généralistes actifs. La plupart sont mis à jour de manière souvent quotidienne, sinon hebdomadaire : actuabd.com, auracan.com, bdgest.com, bd-sanctuary.com, bdabd.com, bdencre.com, bdetente.com, bdouebe.com, bdselection.com, bdtresor.com, bdzoom.com, bedeo.fr, bodoi.info, bede-news.com, citebd.org (qui héberge neuvieme-art 2.0), du9.org, expressbd.com, generationbd.com, graphivore.be, labd.cndp.fr, planetebd.com, sceneario.com, toutenbd.com, virus-bd.net, wartmag.com… ; ou le blog bd75011.blogspot.com. Ensemble, ils totalisent près de 2,5 millions de visites mensuelles ! Avec, en tête, bdgest.com dans la catégorie références albums et actuabd.com pour l’information ; alors que, côté mangas et comics (bien supérieurs en termes d’audience), il faut noter la suprématie de manga-news.com, manga-sanctuary.com, superpouvoir.com, buzzcomics.net, marveldc-universe.com et comicbox.com.

Grâce aux blogs BD, où des auteurs, professionnels ou amateurs, proposent en ligne leurs travaux, la création est aussi toujours bien représentée sur Internet. Plus ou moins graphiquement développés, ils associent, la plupart du temps, commentaires et dessins. Bien qu’aucune statistique officielle ne soit disponible, on peut quand même constater, en consultant les annuaires des deux principaux hébergeurs de blogs en France, que 7 825 blogs sont classés blogs BD chez Overblog (contre 6 021 en 2010) et 5 454 chez Canal Blog (contre 4 268 l’année dernière) : des chiffres surestimés car ils englobent les blogs de critiques BD. De plus, la plupart des auteurs investissent dans un hébergement privé avec des plates-formes internationales, telles que Dotclear et WordPress. On peut néanmoins connaître ceux qui ont le plus de succès, en termes de consultation par mois et du nombre de liens pointant vers eux : d’après le classement Ebuzzing (anciennement Wikio), les 3 premiers blogs BD en novembre 2011 étaient L’Actu en patate de Martin Vidberg (il arrive en 40e position dans le classement Ebuzzing tous blogs confondus, un succès qui tient surtout à sa collaboration avec le journal Le Monde), Un crayon dans le cœur de Laurel, et le blog communautaire 30 jours de BD. L’année 2011 confirme que les blogs sont aussi un vivier pour la publication d’œuvres papier. Signes des temps pour la reconnaissance des créations sur les blogs, l’entrée chez Delcourt, en tant que directeur de publication, de Yannick Lejeune, ingénieur informaticien et organisateur du Festiblog, et publication, chez Dupuis, de la bdnovela Les Autres GensLe blog BD est même devenu un genre à part entière dans la bande dessinée !

En ce qui concerne la lecture des œuvres numériques, la situation stagne sur le territoire francophone européen. Une étude du CNL, publiée en mars 2010, confirme que le public du livre numérique est encore très réduit : toujours 5% des Français, et seulement 0,25%, utilisant un terminal dédié. Si la numérisation du livre paraît irréversible, ce mouvement est freiné par un fort attachement au contenant et par un phénomène générationnel : le grand lecteur de livres n’est pas encore un « digital native ». Du côté des œuvres numériques et papier, quelques aventures originales sont à noter, comme l’expérimentation de Marc-Antoine Mathieu qui a inventé, avec 3 » (chez Delcourt), la véritable « première » bande dessinée pensée simultanément pour le papier et le numérique. Pour ce qui est des éditeurs, signalons que Makaka a pour vocation de publier, à la fois en numérique et sur papier, les auteurs du site 30joursdebd.com. Autre structure à double casquette, Manolosanctis, connu pour sa pratique du « crowdsourcing » (les lecteurs participent aux propositions éditoriales), a fait le choix de se recentrer sur les œuvres numériques : l’édition papier, qui n’était pas son domaine de prédilection, s’étant avérée économiquement pas assez rentable. Parmi les éditeurs de bandes dessinées numériques, on peut aussi citer iGoMatiK qui publie des bandes dessinées, comics ou mangas sur iPhone et iPad, ainsi que Teknéo, éditeur de jeux vidéo et studio spécialisé dans la production de contenus multimédia, qui a mis en place un portail de livres numériques, Nomadbook/MComics. On note aussi Syllabaire, éditeur numérique généraliste qui commence, lui aussi, à publier des bandes dessinées numériques.

Soutenu par Casterman, le portail Delitoon s’est ouvert en avril 2011 en combinant lecture gratuite en ligne, librairie en association avec Amazon, édition numérique et édition participative en partenariat avec Ulule.com. Sur ce dernier créneau, après le lancement en 2010 du belge Sandawe, le groupe Média-Participations s’est associé au leader du secteur pour créer My Major Company BD, en octobre 2011. Les géants mondiaux de la distribution numérique, Amazon, Google ou Kobo, n’ont pas encore prouvé leur dangerosité pour la bande dessinée européenne et laissent un peu de temps aux éditeurs qui veulent contrôler la diffusion de leurs albums. La numérisation des catalogues se poursuit donc, avec trois acteurs principaux : Ave!Comics, digiBiDi et Iznéo.

L’application Ave!Comics d’Aquafadas est aussi une librairie en ligne et un agrégateur ; elle est associée à 84 éditeurs, dont deux américains. Plus de 1 700 titres sont en ligne, et 150 titres sont vendus en moyenne par jour. Au total, la société Aquafadas compte 50 000 clients payants et, en 2011, Ave!Comics a mis à disposition gratuite son application ComicCompose, qui a pour but de permettre, aux auteurs et aux éditeurs, de créer leurs BD numériques (en espérant que ces nouveaux titres se retrouveront dans la librairie d’Ave!Comics). Quand digiBiDi propose environ 2 600 titres à la location, la plate-forme Iznéo en propose légèrement plus à l’achat ou/et à la location. Si elle attire de nombreux visiteurs (2 millions d’albums consultés depuis la création en mars 2010), elle n’enregistre qu’environ 10 000 transactions par mois, sans compter les sites partenaires bdbuzz et starzik. Elle vient de lancer une formule d’abonnement mensuel pour 15 ouvrages du catalogue des filiales de Média-Participations. Pour l’instant, cette plate-forme d’expérimentation n’est toujours pas rentable et nourrit la réflexion de Bande numérique, le club de réflexion des éditeurs de bandes dessinées actionnaires d’Iznéo.

Par ailleurs, la donne technique évolue et la tablette graphique semble l’outil idéal de consultation des bandes dessinées numériques : 30 millions d’iPad ont été vendus en un an dans le monde et, dans le domaine du livre électronique, Apple rafle presque totalement la mise sur cet aspect de l’organisation de la distribution et des ventes, en Europe. Chez tous les acteurs du marché de la bande dessinée numérique, on sent percer l’idée de la nécessité d’œuvres originales, conçues pour des supports numériques

Alors que toute la filière du livre est donc en mutation (d’où un malaise au niveau des différents acteurs qui alimentent, en permanence, les marronniers de l’édition : surproduction, concentration et inflation), il faut bien constater que la bande dessinée francophone a toujours su s’adapter aux soubresauts de l’économie et à l’arrivée des nouvelles technologies. Plus fort encore, comme elle a généré et imposé des valeurs sûres qui sont devenues, petit à petit, des classiques de notre culture, elle est même, désormais, complètement reconnue par les autres médias, et particulièrement par le cinéma : notamment cette année, avec les adaptations de Largo Winch de Jean Van Hamme et Philippe Francq par Jérôme Salle, de L’Élève Ducobu de Zidrou et Godi par Philippe de Chauveron, des Schtroumpfs de Peyo par Raja Gosnell, de Titeuf, du Chat du rabbin et de Poulet aux prunes par leurs propres créateurs (Zep, Joann Sfar et Marjane Satrapi) et, surtout, des Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne d’Hergé par Steven Spielberg ! Sans oublier les nombreuses autres exploitations télévisées, que ce soit en films (L’Épervier d’après Patrice Pellerin et Rani de Jean Van Hamme) ou en dessins animés (Captain Biceps d’après Zep et Tébo, Gaston d’après André Franquin, Kid Paddle d’après Midam, Léonard d’après Bob de Groot et Turk, Mon ami Grompf d’après Nob, Nini Patalo d’après Lisa Mandel, Les Petits diables d’après Olivier Dutto, Samson & Néon d’après Tébo…, et les rediffusions de Cédric, Le Marsupilami, Sam Sam, Spirou, Titeuf, ou, bien sûr, Tintin), lesquelles stimulent d’autant plus le commerce des albums de bandes dessinées et autres dérivés…

Cette reconnaissance du média, laquelle s’accompagne évidemment d’un profitable va-et-vient entre les différents supports, permet également, à la bande dessinée, de s’assurer une visibilité non négligeable dans les médias : les journalistes parlant du 9e art étant toujours aussi nombreux. 76 d’entre eux (2 de plus qu’en 2010) sont réunis au sein de l’ACBD, l’Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée qui remet, tous les ans, le Grand Prix de la Critique à l’auteur d’un album remarquable paru dans l’année ; en 2011, il a été décerné à Bastien Vivès, pour son Polina chez Casterman : l’un des nombreux jeunes talents et espoirs d’un secteur dont la créativité n’a, certainement, pas fini de nous surprendre !
Gilles RATIER
Secrétaire général de l’ACBD


BILAN TÉLÉCHARGEABLE AVEC ANNEXES

Télécharger au format PDF le Bilan 2011 de l’ACBD et ses nombreuses annexes :

>  Bilan ACBD 2011 + annexes


CRÉDITS ET REMERCIEMENTS

 

N.B. La moindre utilisation de ces données ou d’une partie d’entre elles doit être obligatoirement suivie suivie de la mention : © Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) sachant que Marielle Python-Bernicot s’est occupée de l’édition numérique (avec l’aide de Manuel F. Picaud), Marc Carlot des sites Internet consacrés au 9e art, Raphaëlla Barré des blogs bandes dessinées, Manuel F. Picaud des festivals invitant des auteurs BD, et Ariel Herbez de lister les parutions suisses.Merci à mes amis de l’ACBD : Marc Carlot, Patrick Gaumer, Brieg F. Haslé, Ariel Herbez, Michel Nicolas, Jean-Christophe Ogier, Fabrice Piault, Manuel F. Picaud, Denis Plagne, Marielle Python-Bernicot et Laurent Turpin.

Merci aux attachés de presse ou responsables éditoriaux qui nous ont communiqué les chiffres des tirages : Ahmed Agne, Jérôme Aragnou, Maud Beaumont, Frédéric Bosser, Joanna Bouvard, Martin Brault, Élise Brun, Sophie Caïola, Anne Caisson, Frédéric Cambourakis, François Capuron, Paul Carali, Muriel Chabert, Nadia Chebli, Bénédicte Cluzel, Évelyne Colas, Guillaume Coué, Benjamine des Courtils, Héloïse Dautricourt, Loïc Dauvillier, Marie Decrême, François Defaye, Kathy Degreef, Walter De Marchi, Jean Depelley, Sandrine Dutordoir, Sylvie Duvelleroy, Ériamel, Marie Fabbri, Guillaume Feliu, Bruno Fermier, Aurélie Garel, Frédéric Gauthier, Marlène Hatchi-Barsotti, Vincent Henry, Aurore Illien, Michel Jans, José Jover, Dimitri Kennes, Emmanuelle Klein, Sabrina Lamotte, Bruno Lemaitre, Clément Lemoine, Pierre Léoni, Wandrille Leroy, Caroline Longuet, Daniel Maghen, Jérôme Manceau, Philippe Marcel, Julien Masséï, Benoît Maurer, Valérie Meilhaud, Nathalie Meulemans, Marie Moinard, Josselin Moneyron, Olivier Moreira, Matthieu Morgan, Philippe Morin, Thierry Mornet, Laurent Muller, Frédéric Niffle, Bérengère Orieux, Alexandre Paringaux, Laure Peduzzi, Emmanuelle Philippon, Mathieu Poulhalec, Lise Prudhomme, Anne Quémy, Diane Rayer, Allison Reber, Estelle Revelant, Louise Rossignol, Laurent Roussel, Sophie de Saint Blanquat, Anaëlle Saulnier, Anne Schapiro-Niel, Bruno Théol, Olivier Thierry, Nathalie Van Campenhoudt, Dominique Véret, Valentine Verron, Frédéric Vidal, Marie-Thérèse Vieira, Hélène Werlé ; et à Didier Pasamonik pour ses précieux conseils.

En lien avec cet article