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30 ans de l’ACBD : le mot du président

Actualité – juillet 2014

Chers adhérents, amis et partenaires,

La célébration, la semaine dernière, des 30 ans de l’Association des critiques et journalistes de bande dessinée a été un succès dont nous vous remercions chaleureusement, que vous y ayez participé directement, ou que vous fassiez partie tout simplement de cet univers de la bande dessinée qui justifie notre existence et dont nous sommes heureux de pouvoir contribuer, à notre niveau, à la promotion et au développement.

30 ans, à l’échelle de la bande dessinée, ce n’est pas rien ! À la création de l’ACBD, en 1984, la production annuelle était inférieure à 500 titres alors qu’elle est aujourd’hui dix fois plus importante ; beaucoup d’éditeurs aujourd’hui majeurs n’existaient pas tels Delcourt, Soleil, Bamboo ou encore les éditeurs de mangas ; la librairie spécialisée était encore artisanale ; Angoulême n’était encore qu’un rendez-vous de copains même si le futur festival avait déjà reçu une première consécration avec les visites de François Mitterrand et Jack Lang. 1984, année Orwellienne s’il en est, participe encore pour la bande dessinée de l’époque héroïque.

Pourtant, la nature particulière de l’ACBD s’est forgée dès ce moment là. On nous demande souvent si nous sommes une association de journalistes ou de passionnés. Nous sommes les deux, et nous l’étions dès le départ, comme le souligne volontiers Hervé Cannet, de La Nouvelle République du Centre-Ouest, grâce auquel j’ai pu reconstituer les premiers pas de l’association. La douzaine de fondateurs comprenait essentiellement des journalistes de la presse de province, localiers et secrétaires de rédaction, tels Ivan Drapeau, de La Charente Libre, qui en sera le premier président et qui fera quelques années plus tard un scoop majeur en retrouvant à Buenos Aires l’ancien maire d’Angoulême Jean-Michel Boucheron,  recherché pour des malversations financières. Il y avait là Hervé Cannet, qui lui succèdera très vite et jusqu’au tout début des années quatre-vingt dix comme président de l’ACBD ; Alain Bessec, d’Ouest-France ; Jean-Pierre Rémond, du groupe La Montagne ; Jean-Claude Chemin, de Presse-Océan ; d’autres journalistes du Télégramme, de Nice-Matin, du Républicain lorrain ou du Midi-Libre ; Sylvie Leanteaume, de l’AFP Bordeaux, seule femme à l’époque ; Pierre Ganz, de France Inter, ou encore l’essayiste et expert en BD Paul Herman. Ils se retrouvaient chaque mois de janvier à Angoulême dans un restaurant qui appartenait au photographe de La Charente Libre, Jacques Loll. « Nous sommes une génération de critiques et de collectionneurs », se souvient Hervé Cannet, qui précise même que « l’association a failli s’appeler Association des gros niqueurs de bande dessinée » !

Si l’ACBD est d’abord connue pour son Grand Prix de la Critique, c’est qu’il s’agit de son premier fait d’arme. Réunis en janvier 1984 à l’hôtel de France (aujourd’hui Mercure), à Angoulême, par Martine Jobart, alors attachée de presse du salon de la bande dessinée, ses futurs fondateurs voulaient décerner un prix original, qui récompense un album hors des sentiers battus. Son premier lauréat en sera Jean Teulé pour Bloody Mary (Glénat), dont le titre donnera pour quelques années son nom au prix. L’auteur reçut fort logiquement… un Bloody Mary, qu’il fut sommé de boire sur le champ. Mais je peux vous révéler aujourd’hui, grâce à Hervé Cannet, qu’il lui fut servi sans vodka : il n’était qu’onze heures du matin !

Discours de Fabrice Piault, président de l'ACBD, à la Galerie Oblique, pour les 30 ans de l'ACBD. Juin 2014.
photo © D. Pasamonik 2014
Discours de Fabrice Piault, président de l’ACBD, à la Galerie Oblique, pour les 30 ans de l’ACBD. Juin 2014.

 

Ivan Drapeau déposa les statuts l’année suivante mais, épousant la crise traversée à la fin des années quatre-vingt et jusqu’au début des années quatre-vingt dix par la bande dessinée, l’ACBD a connu des débuts plutôt chaotiques. C’est Gilles Ratier (L’Écho du Centre), toujours aujourd’hui notre secrétaire général, qui a véritablement structuré l’association. L’arrivée de la très dynamique et passionnée Marie-Pierre Larrivé, qui abattait à l’AFP un travail considérable pour donner une visibilité nationale à la bande dessinée, et qui formait avec Laurence Harlé (France Culture) un duo redoutable dans les débats internes pour le choix du Grand Prix de la Critique, a également donné une nouvelle dimension à l’association, comme celles de Jean-Christophe Ogier (France Info), qui la présidera pendant une vingtaine d’années, d’Yves-Marie Labé (Le Monde), de Laure Garcia (Le Nouvel Observateur) et de plusieurs essayistes et encyclopédistes tels Dominique Petitfaux, Patrick Gaumer, Yves Frémion ou encore Benoît Peeters et l’historien Pascal Ory.

L’ACBD a beaucoup évolué dans la dernière décennie. Depuis l’an 2000, le rapport Ratier fournit à tous les professionnels une analyse détaillée de la production annuelle de bande dessinée. En 2007 est créé le prix Asie-ACBD, remis chaque année lors de Japan Expo. En parallèle est lancée la sélection des 20 albums indispensables de l’été, « C’est l’été, lisez des BD ! ». L’association inaugure des rencontres avec les éditeurs du Syndicat national de l’édition, les libraires, les auteurs. Et, après avoir modernisé son site internet, elle a lancé cette année un fil Twitter et démarre une présence sur Facebook, où se prépare aussi un groupe de discussion interne aux adhérents. Enfin, elle s’ouvre à l’international, avec un groupe d’adhérents au Québec et, en Espagne, une association sœur, l’ACD Comic, qui s’est inspirée de notre organisation. L’ACBD reste ainsi, fidèle à sa mission de départ, une association de journalistes et d’experts qui veulent promouvoir le 9e art.

Je terminerai sur une anecdote, que m’a relatée Hervé Cannet. En 1984, en réalité, la première intention des journalistes réunis à l’hôtel de France n’était pas de créer un prix de la critique mais, plus modestement, dans l’esprit potache de l’époque, d’attribuer un prix orange du ou de la meilleur(e) attaché(e) de presse BD, et un prix citron du/de la plus désagréable ! Je peux révéler aujourd’hui que le prix orange a failli être attribué à Jean Léturgie, alors attaché de presse pour Glénat. Quant au prix citron…

Au plaisir de prochaines rencontres autour de la bande dessinée.
Bédéphilement vôtre,​

Pour le Bureau de l’ACBD, 

Fabrice Piault (Livres Hebdo)
Président de l’Association des Critiques et journalistes de Bande dessinée

 

 

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